Pourquoi Moïse n’est-il pas entré en
Terre promise ?
Il y a des questions que l’on oublie de se poser.
Voici presque trente ans que je travaille comme prêtre. Je suis donc ce qu’on
peut appeler ‘un pro de la Bible’ sans être toute fois exégète. Combien de fois
n’ai-je pas prêché sur l’exode en vue d’alimenter la foi pascale des fidèles.
L’entrée du peuple hébreu en Terre promise préfigurant le fidèle qui entre dans
la maison du Père. Mais jamais je n’ai parlé de Moïse qui n’entre pas en terre
promise. Il a pu guider son peuple vers la libération mais lui-même a dû se
limiter à percevoir au lointain la terre promise. Pourquoi Moïse n’est-il pas
entré en Terre promise ? J’ai donc commencé à chercher des éléments de
réponse.
Il faut se référer à un épisode bien connu de
l’exode mis par écrit dans le livre des Nombres : “Dites
en leur présence, au rocher de donner son eau et ainsi tu feras couler pour
eux, de l’eau de ce rocher.” (Nombres, 20 ,8)
Moïse va consulter l’Eternel. Celui-ci lui
conseille de réunir le peuple autour d’un rocher, de parler ensuite à ce rocher
pour qu’il donne son eau et assouvisse la soif des Hébreux et de leurs
troupeaux. Bientôt, tout le peuple se trouve réuni. Mais Moïse est en colère
contre les rebelles. Au lieu d’obéir à l’Eternel, Moïse frappe le rocher à deux
reprises et en fait couler de l’eau. Aussitôt, l’Eternel annonce à Moïse – et
aussi à Aaron, qui a assisté son frère – qu’à cause de leur désobéissance à
l’ordre divin, ils ne pourront accompagner le peuple dans la Terre promise.
Quelle a été en réalité la faute de Moise et
d’Aaron ? Certes, faire jaillir de l’eau d’un rocher en lui parlant constitue
un miracle bien plus étonnant que d’obtenir de l’eau en le frappant. Si la
pierre inerte obéit à l’ordre de Dieu transmis par Moïse, combien plus l’homme
pensant doit-il le faire.
Mais il y a plus. Moïse a eu le tort de se mettre
en colère. C’est sa colère qui l’a entraîné à mal agir. Même face à un rocher
dur et résistant il faut se garder de frapper pour aboutir à un résultat. Même
face à la matière brute l’homme doit rester un homme et utiliser la parole
plutôt que les coups. C’est cette leçon qui aurait dû se dégager aux yeux du
peuple de la conduite de Moïse si elle avait été conforme à la volonté de Dieu.
Lorsqu’il nous arrive d’avoir en face de nous un
homme inflexible et impitoyable, rude et brutal, il nous faut rester
nous-mêmes, conserver notre caractère humain et essayer de le persuader, de
l’apitoyer, de l’amadouer, par la parole. Sans jamais utiliser la force, sans
jamais nous laisser entraîner à frapper, même si nous croyons arriver ainsi
plus vite au même résultat.
Grâce aux mots les plus doux, le roc le plus dur
donnera finalement son eau la plus pure.
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