Napoléon
Bonaparte est né le 15 août 1769 à Ajaccio. Il y a donc 250 ans.
Voici un très
beau sketch peu connu de Raymond Devos. Un délice absurde.
Napoléon Ier
Vous savez que, récemment, je me suis pris pour Napoléon ? Oui,
moi, je me suis pris pour Napoléon ! J’étais devant la pyramide … la
grande pyramide … celle du Louvre … et je dis à un Monsieur qui était là :
- Du haut de cette pyramide, quarante siècles vous contemplent.
Il me dit :
- Vous devez vous tromper, parce qu’il y a peu de temps, elle n’était pas
là !
- Vous m’inquiétez !
- Etes-vous sûr de ne pas vous prendre pour quelqu’un d’autre ?
Aussitôt, je me suis fait faire un électroencéphalogramme. On m’a
dit :
- Monsieur, vous avez le cerveau de Napoléon Ier !
J’ai dit :
- Vous me rassurez. Combien vous dois-je ?
Je paie. Je remets mon portefeuille. Hop ! Impossible de retirer ma
main !
En sortant, je hèle un taxi.
- Aux Invalides, s’il vous plaît !
A tombeau ouvert! Arrivé aux Invalides, le chauffeur qui me regardait
dans le rétroviseur me dit :
- Je vous connais, vous ! Ah si, je vous connais. Rappelez-moi
votre nom.
Je lui dis : je suis Napoléon.
- Ah me dit-il, vous n’êtes pas le premier.
- Si, mon cerveau me l’atteste !
Il me dit :
- Je devrais vous en vouloir !
- Pourquoi cela ?
- Parce que je suis égyptien et que votre expédition en Egypte n’a pas
laissé un souvenir impérissable !
- C’est vrai ! Moi-même, je n’en ai gardé aucun souvenir !
- Alors, vous êtes Napoléon ?
- Certes !
- Eh bien, votre cheval est là !
- Mon cheval ?
- Vous voyez le monsieur qui caracole dans la cour et qui piaffe
d’impatience ? Il prétend être le cheval de l’empereur Napoléon. Si c’est
vous Napoléon, vous devriez pouvoir vous entendre.
- C’est mon cheval, ça ? Je ne le reconnais pas. Le mien avait de
beaux harnais.
- Vous êtes mon cheval ?
- Oui, mon empereur !
- Est-ce que vous pouvez me l’attester ?
- Oui ! Je me suis fait faire un électroencéphalogramme, on m’a
dit : « Vous avez le cerveau du cheval de Napoléon. »J’ai
dit : « Vous me rassurez. » Et je suis venu vous rejoindre aux
invalides à bride abattue.
- Comment saviez-vous que vous m’y trouveriez ?
- He ? Votre tombeau y est déjà ! J’ai pensé qu’un jour ou
l’autre, vous viendrez le visiter … comme tout le monde !
J’ai pensé : il n’est pas aussi bête qu’il en a l’air, mon
cheval !
Il me dit : allez, montez !
- Où on va ?
- Avenue de la Grande-Armée !
On a refait le parcours du combattant, le tour de la place des Victoires
… Wagram, Iéna, Eylau ! Je ne reconnaissais rien ! ah si, à
Austerlitz, j’ai reconnu la gare !
Il faut dire que le soleil d’Austerlitz tapait dur. On a voulu monter
dans un wagon où il y avait marqué : « Hommes : 50,
chevaux : 10 » !
Mais comme on n’était que deux, on a repris la route.
- Où on va là ?
- Il me dit : en Russie !
- Ah non ! Pas la Russie ! Je n’ai pas encore touché la
retraite !
- Alors, on se rend-on ?
- On va se rendre à Waterloo !
Il m’a faussé compagnie d’une façon assez cavalière, je dois dire, sous
le fallacieux prétexte qu’il avait quelques courses à faire à
Longchamp !
J’ai dit : Bon, je vais
reprendre un taxi.
J’entends : Hep !
Qui je reconnais au volant de son taxi ? Le chauffeur égyptien qui
m’avait conduit aux Invalides ! Il me dit :
- Salut, Napoléon ! Alors, ça va un peu mieux ?
- Non, ça empire ! Et vous, l’Egyptien ?
- Ca se corse ! Figurez-vous qu’il m’arrive la même chose qu’à
vous ! Récemment, je me suis pris pour un pharaon. Oui, moi, un
pharaon ! J’étais au Palais-Royal … devant les colonnes de Buren, les colonnes
tronquées et je dis à un monsieur qui était là : « Ces colonnes
tronquées datent du XIII ème siècle avant Jésus-Christ ! » Il me
dit : « Vous devez vous tromper, parce qu’il y a peu de temps, elles
n’étaient pas là ! » « Vous m’inquiétez ! »
« Etes-vous sûr de ne pas vous prendre pour quelqu’un
d’autre ? » Aussitôt, je me suis fait faire un électroencéphalogramme.
Ils m’ont dit : « Monsieur, vous avez le cerveau de Ramsès II. »
Je leur ai dit : « Ah ? parce que je ne serais pas le
premier ? » « Non ! Il y a eu un Ramsès avant
vous ! » « J’ai voulu payer … Hop ! Impossible de retirer
les bandelettes de mes mains ! Je suis sorti. J’ai hélé un taxi…
- Le vôtre, évidemment ?
- Le mien mais qui, depuis quelque temps, n’est plus le même ! Il
se prend pour un taxi de la Marne. Chaque fois que je mets le compteur en
route, il repart comme en 14 ! Alors, je me retrouve tantôt à Verdun,
tantôt sur le Chemin des Dames ! De plus, dès qu’il aperçoit un militaire
qui fait du stop, il s’arrête et il prend en charge … Décidément, les
transports ne sont plus ce qu’ils étaient ! Il me dit :
- Où allez-vous ?
- Je rentre à la Malmaison.
- Moi, je vais à Reuil. Montez, je vous ramène.
Arrivés place de la Concorde, je ne sais pas ce qui lui a pris, il s’est
arrêté net. Il m’a dit :
- Dites, Napoléon, l’obélisque de Louxor, là, il va falloir le remettre
là où vous l’avez pris, en Egypte ! C’est Ramsès II qui vous le dit !
- Je lui dis :
- Ecoutez, Ramsès II, moi Napoléon Ier, je vous propose un troc. Je
garde l’obélisque de Louxor et je vous donne en échange la pyramide du Louvre.
- Ah, dites donc !
Il ouvert la porte de son taxi. Il m’a dit :
- Sortez ! Je savais bien que vous étiez un fantaisiste,
Devos ! On ne peut décidément pas discuter avec vous !
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