Je marcherai
en présence du Seigneur
sur la terre des vivants
Le psaume 114 dans
l’Ancien Testament
La liturgie de ce jeudi 4 juillet 2019 propose comme première
lecture, le sacrifice du patriarche Abraham. L’extrait du livre de la Genèse se
termine par : « Alors Abraham retourna auprès de ses serviteurs et ensemble ils se mirent en route … ». En réponse à ce texte de l’Ancien
Testament, la liturgie propose le psaume 114, avec comme refrain le dernier
verset de ce psaume : Je marcherai
en présence du Seigneur sur la terre des vivants.
Accueillons le texte de ce psaume 114
J’aime le Seigneur :
il entend le cri de ma prière.
Il incline vers moi son oreille :
toute ma vie, je l’invoquerai.
J’étais pris dans les filets de la mort, retenu dans les liens de l’abîme,
j’éprouvais la tristesse et l’angoisse.
J’ai invoqué le nom du Seigneur :
« Seigneur, je t’en prie, délivre-moi ! »
Le Seigneur est justice et pitié,
notre Dieu est tendresse.
Le Seigneur défend les petits :
j’étais faible, il m’a sauvé.
Il a sauvé mon âme de la mort,
gardé mes yeux des larmes et mes pieds du faux pas.
Je marcherai en présence du Seigneur
sur la terre des vivants.
il entend le cri de ma prière.
Il incline vers moi son oreille :
toute ma vie, je l’invoquerai.
J’étais pris dans les filets de la mort, retenu dans les liens de l’abîme,
j’éprouvais la tristesse et l’angoisse.
J’ai invoqué le nom du Seigneur :
« Seigneur, je t’en prie, délivre-moi ! »
Le Seigneur est justice et pitié,
notre Dieu est tendresse.
Le Seigneur défend les petits :
j’étais faible, il m’a sauvé.
Il a sauvé mon âme de la mort,
gardé mes yeux des larmes et mes pieds du faux pas.
Je marcherai en présence du Seigneur
sur la terre des vivants.
Le psalmiste témoigne devant sa communauté de sa foi et de sa
confiance au Seigneur. Foi et confiance qui engagent le psalmiste dans
l’alliance : toute ma vie j’invoquerai le Seigneur.
Puis, l’auteur du psaume fait part de son expérience personnelle
qui n’est pas différente de l’expérience du peuple hébreu tout au long de son
histoire. Depuis le départ d’Adam et Eve
du jardin de l’Eden, le peuple de Dieu est en errance, en déplacement, en
route, en marche. Depuis le meurtre de Kaïn sur son frère Abel, le peuple est
sous l’emprise du mal et de la mort.
Maintenant que le psalmiste est lui aussi éprouvé, il redit
l’heureuse expérience de son peuple. Le Seigneur est bienveillant et
miséricordieux. Le Seigneur est celui qui sauve. Le Seigneur fait de la marche
du peuple de Dieu une marche de libération. De l’esclavage vers la terre de liberté,
des ténèbres vers la lumière, de l’absence de Dieu vers un Dieu qui parle et
qui marche devant son peuple, du péché vers le salut, de la mort vers la vie.
Le psalmiste, délivré du danger de la mort et rendu au monde des
vivants, se considère obligé à une plus grande fidélité envers le Seigneur.
Aussi, son psaume d’action de grâce se termine par un engagement fidèle et
précieux : cheminer en la présence du Seigneur.
La
christianisation du psaume 114
Le psaume responsorial dans la liturgie eucharistique est une
réponse à une première lecture tirée de l’Ancien Testament (sauf au temps
pascal où la première lecture est tirée des Actes des Apôtres ou de l’Apocalypse).
Il convient donc de ‘christianiser’ la lecture du psaume. Cela veut dire que le
chrétien écoute et accueille, chante et prie le psaume en fonction de
l’accomplissement de l’Ancien Testament par Jésus Christ.
Nous allons donc réinterpréter le verset final du psaume
114 :
-
je
marcherai
-
en
présence du Seigneur
-
sur
la terre des vivants
Pour clôturer notre enseignement, nous allons dire un petit mot
sur la Vierge Marie.
Je
marcherai
La venue du Christ Jésus ne met pas fin au pèlerinage du peuple
de Dieu. Que du contraire. Tout l’évangile de Luc est construit sur le mode
d’un HODOS : un chemin, une marche, un itinéraire, un pèlerinage.
Jésus, en saint Luc (5,22-25) dit au paralysé :
« Lève-toi et marche ». Cela est lié au pardon des péchés. Le
paralytique est délivré de sont mal physique, qui plus est, il est sauvé. Il
peut rejoindre la terre des vivants.
Le paralytique, c’est chacun de nous. C’est l’enfant qui le
dimanche matin est paralysé devant les dessins animés sur la télé. Les parents
paralysés devant internet. Ce sont tous les Zachée paralysés dans leur
sycomore, les Bartimée abandonnés sur les bords de la route. Jésus les
interpelle tous. Pour les mettre debout, afin qu’ils puissent rejoindre le
chemin pour entamer ou continuer la route.
Depuis le coup d’envoi du nouveau testament avec l’annonce de
l’ange Gabriel à Marie, tout l’évangile, et particulièrement celui de Luc, est
‘marche, mouvance, mise en route, relèvement, démarche, …’
Dès l’Annonciation, Marie se met en route ‘avec empressement’
vers sa cousine Elisabeth. Elle traverse toute la terre sainte à travers le
paysage montagneux. Pour le recensement et la naissance de Jésus, la sainte Famille
a fait le trajet de Nazareth en Galilée jusqu’à Bethléem en Judée. Pour
échapper au régime meurtrier du roi Hérode, la sainte Famille prend la route
pour l’Egypte. D’Egypte, la famille rejoint la Galilée.
La sainte Famille étant pieuse et pratiquante, on la retrouve à
Jérusalem pour la célébration de la Pâque juive.
Jésus, avec ses apôtres, ne cesse de parcourir villes et
villages, plaines et montagnes, en Galilée, en Samarie, en Judée, et bien
au-delà. En Luc 9,51, il entame son dernier chemin. Il se met en route
résolument. De la Galilée vers la ville sainte de Jérusalem. Un chemin
libérateur vers la mort et la résurrection. Tout ce qui s’est mis en mouvement
va s’accélérer. Dans ses prises de paroles, Jésus fait référence à Lui et son
chemin : « le Fils de l’homme n’a pas d’endroit où reposer la
tête ». Et il va en appeler à le suivre. A prendre le même chemin.
« Suis-moi ». « Celui qui met la main à la charrue et regarde en
arrière n’est pas fait pour le royaume de Dieu ».
Ce mouvement provient de ce qui Jésus s’est déterminé Lui-même
devant la situation qui s’impose à Lui. « Comme le temps approchait où
Jésus allait être enlevé de ce monde … Il prit avec courage la route de
Jérusalem ».
Moi aussi, à la suite de Jésus, je peux prendre courageusement
la route vers la Jérusalem céleste, annonçant et témoignant du Royaume inauguré
par Jésus.
En
présence du Seigneur
Le peuple de l’Ancienne Alliance, malgré son infidélité et ses
doutes sur leur Dieu, ont pu faire l’expérience de la présence de Dieu. Dieu
n’a jamais abandonné son peuple et l’a accompagné dans ses marches et ses
démarches. Dieu guide Abraham vers le pays qu’il a désigné. Dieu marche devant
son peuple pour libérer et le conduire vers la Terre promise. Il va libérer son
peuple de l’exil et le guider vers ses terres d’origines.
Les Apôtres ont eu la joie de vivre trois années en présence du
Seigneur, le Fils de Dieu. Qui voit le Fils, voit le Père. Dès la résurrection
et sans trop tarder, le Christ ressusciter va montrer qu’Il continuera sa
présence auprès de son peuple. Je serai avec vous jusqu’à la fin des temps.
Ce sont les disciples d’Emmaüs qui en feront rapidement
l’expérience. Le Ressuscité rejoint ces deux pèlerins déçus et abattus par les
événements survenus à Jérusalem. Ils veulent quitter cette ville sainte,
théâtre de l’échec de ce Jésus de Nazareth, en qui ils avaient mis toute leur
confiance et leur avenir, leur foi et leur espérance. Leur seul but est de rentrer,
le cœur lourd, chez eux à Emmaüs. Et voilà que le Ressuscité, fidèle à sa
promesse, marche à leur côté, respectant leur pas, commençant l’annonce pascale
à partir des Ecritures. Révélant le secret de sa personne : Il est le
Seigneur, Celui de la fraction du pain. A partir de ce geste, le Ressuscité
semble disparaître. Eh bien non, Il disparaît à leurs yeux pour demeurer à
jamais dans leur cœur. Ces deux cœurs lents à croire deviendront une des
premières demeures du Christ ressuscité. Lors du chemin d’Emmaüs à Jérusalem,
les deux disciples sont transformés grâce à la présence du Seigneur dans leur
cœur.
Aujourd’hui encore, le Ressuscité se cache mystérieusement dans
le cœur de chaque pèlerin. Le croyant n’est jamais seul, il est toujours en
présence de ce Seigneur ressuscité.
Sur la
terre des vivants
Le 15 août 1993, à Denver dans le Colorado, Etats-Unis, le pape
Jean-Paul dans l’homélie lors de la messe de clôture des Journées Mondiales de
la Jeunesse, parlait pour la première fois de l’Occident comme d’une société de
la culture de la mort. Il mettait en garde la jeunesse de ne pas céder à une
terre qui cultive la mort et la destruction humaine.
Le psalmiste parle au contraire de la terre des vivants. Cette
terre est inaugurée par la Résurrection du Christ. Il a vaincu la mort et
introduit l’homme dans la logique d’une vie abondante et heureuse.
Lors de la veillée pascale, la reine de toutes les veillées et
la célébration eucharistique la plus importante de l’année liturgique, le
peuple de Dieu se rassemble à l’extérieur de l’église pour la bénédiction du
feu pascal. A ce feu est allumé le nouveau cierge pascal, signe du Christ
ressuscité présent au milieu de son peuple. Les fidèles sont appelés à suivre
cette lumière pascale et d’allumer leur petit cierge à la lumière pascale.
Cette procession de la Liturgie de la lumière a une triple
signification : du passé, du présent, de l’avenir.
Tout d’abord, l’Eglise veut actualiser et commémorer le peuple
hébreu qui vit son passage, sa Pâque, à la lumière d’une torche qui éclaire le
chemin à parcourir. Cette marche est une libération, une route vers la terre de
liberté.
Ensuite, l’Eglise vit à travers les fidèles baptisés présents la
peuple de Dieu qui aujourd’hui encore, marche en présence du Seigneur
ressuscité vers la Pâques chrétienne, victoire du Christ sur la mort. Le Christ
instaure définitivement ‘la terre des vivants’.
Enfin, l’Eglise anticipe ce que le livre de l’Apocalypse décrit
en images : les élus marchent victorieusement, avec la couronne de
victoire et en robes blanches, vers la terre nouvelle et le ciel nouveau. Les
élus sauvés appelés à entrer dans la chambre nuptiale de l’Epoux, l’Agneau
immolé, qui a ouvert la maison du Père, ce royaume annoncé lorsqu’Il était au
milieu de nous. La nuit de Pâques, nous formes déjà ce cortège qui marche en
présence du Seigneur, sa dernière marche, celle de l’entrée dans la terre des
vivants.
Le texte de l’Exultet, ce chant chanté près du nouveau du cierge
pascal en début de veillée pascale, nous introduit bien dans cette
compréhension de la marche victorieuse du peuple des élus. Voici le texte de ce
chant pascal :
Qu’éclate
dans le ciel la joie des anges
Qu’éclate de partout la joie du monde
Qu’éclate dans l’Eglise la joie des
fils de Dieu.
La lumière éclaire l’Eglise
La lumière éclaire la terre :
Peuples, chantez !
Voici pour tous les temps l’unique
Pâque
Voici pour Israël le grand passage
Voici la longue marche vers la terre
de liberté !
Ta lumière éclaire la route
Dans la nuit ton peuple s’avance,
Libre, vainqueur !
Voici dans la nuit la victoire
Voici dans la nuit la lumière
Voici la liberté pour tous les fils
de Dieu :
O nuit qui vit la lumière,
O nuit qui vit le Seigneur
Ressusciter !
Amour infini de notre Père,
Suprême témoignage de tendresse,
Vous livrez votre Fils pour sauver
tous vos enfants.
Bienheureuse faute d’Adam
Qui valut au monde pécheur
Le Rédempteur !
Victoire qui rassemble ciel et terre,
Victoire qui remet le Fils au Père
Victoire pour l’Eglise et pour tous
ses enfants :
O Père, voici votre peuple,
O Père, accueillez vos enfants
En Jésus Christ.
Que brille à tout jamais cette
lumière,
Que brille dans nos cœurs la joie du
Père,
Que brille dans l’Eglise la joie des
fils de Dieu :
O nuit si lourde de mystère
O nuit si riche de clarté,
O nuit d’amour !
Seigneur, daignez accorder votre
secours
Daignez guider nos pas sur le chemin
Daignez nous conserver dans votre
sainte paix
O Père accordez à la terre votre
grâce et votre Amour,
Et que règne la paix, la justice et
l’amour,
et
que passent tous les hommes de cette terre à votre maison
Par Jésus Christ !
La Bienheureuse
Vierge Marie
La première à vraiment avoir accompli le chemin de la foi, cette
route humaine et divine, n’est autre que la Bienheureuse Vierge Marie. Le
dernier livre de la Bible, l’Apocalypse dit d’elle : « Un grand signe apparut dans le
ciel : une Femme, ayant le soleil pour manteau, la lune sous les pieds, et
sur la tête une couronne de douze étoiles » (Ap 12,1)
Marie, la première a accompli le chemin de foi. Elle a terminé
admirablement sa marche en présence du Seigneur sur la terre des vivants. Elle
est là où Dieu nous attend tous. Ce que Dieu a accompli en Marie, Il le fera en
chacun de nous. Au terme de la marche sur terre conduire l’homme dans la maison
du Père pour être en sa présence dans un face à face afin de pouvoir partager
éternellement sa gloire.
Je marcherai : Marie n’est-elle pas la première à se
mettre en route ? Fort de son oui de l’Annonciation, elle se met en route
avec empressement, vers sa cousine Elisabeth. Sur cette route de la visitation,
Marie devient la première missionnaire, la première évangélisatrice.
Evangéliser, c’est « porter le Christ ». Eh bien, Marie porte le
Christ jusque dans son corps ! Dans la Nouvelle Alliance, Marie est la
première en chemin. Et elle résume en elle le chemin de tous les croyants, de
toute l’Eglise, de toute l’humanité.
En présence du Seigneur :
Marie durant sa vie
terrestre était en présence de son Fils, d’abord dans son corps, puis dans ses
bras, enfin dans son cœur.
Sur la terre des
vivants : Marie
est la première à entrer dans la gloire de Dieu. Elle la première sauvée. Elle
est la Reine couronnée de la gloire de son Fils.
Que la Bienheureuse Vierge Marie
Nous aide à bien vivre notre marche
En présence du Seigneur
Et qu’elle nous accompagne à
Entrer un jour dans cette terre des vivants.
Amen.
Luc
Depuydt, le 5 juillet 2019