Les 7 jours qui
ont changé la face du monde
La marche vers l’Armistice
du mardi 5 novembre 1918 au
lundi 11 novembre 1918
heure par heure
Un
récit écrit par Luc Depuydt
L’armistice 1918
La voiture 2 419 D
La voiture-restaurant 2 419 D est le wagon de chemin de
fer le plus célèbre du monde. Elle a passé les premiers mois de guerre au dépôt
de Clichy. En 1916, la 2 419 D entre aux ateliers de réparation. Elle en
ressortira revernie et modifiée. Le nombre de ses places est maintenant porté à
48. Elle reste au garage pendant toute l’année 1917.
Le 19 mai 1918, le wagon vit un fait divers. Ce jour là, la
voiture-restaurant est accrochée au train 507/516 qui relie Paris à Evreux. Il
fait beau. La cuisinière, qui vient de mettre au feu ses marmites, s’accoude à
la fenêtre de l’office pour prendre l’air.
Le convoi roule à ce moment entre Gilles-Guainville et
Beuil. Sur le talus de la voie ferrée, des territoriaux montent la garde. L’un
d’eux nettoie son fusil, qui est chargé. Malencontreusement, une balle part à
l’instant précis où passe le train, atteint la cuisinière dans le bras gauche.
L’incident n’aura aucune suite grave, ni pour la blessée, ni d’ailleurs pour le
territorial.
Il a simplement permis à la voiture 2 419 D de faire parler
d’elle. La prochaine fois, en novembre 2018, ce sera la gloire.
Le maréchal Foch, prévoyant qu’il serait obligé de changer
plusieurs fois de quartier général pour se rapprocher des armées en pleine
offensive, avait demandé en septembre 1918 que lui fût aménagé un wagon-bureau
qui servirait, attaché à d’autres wagons, de quartier général mobile. La
voiture aménagée est reluisante comme un bijou. On a supprimé les cuisines pour
en faire le bureau des secrétaires, et la salle du restaurant a été séparée en
deux parties inégales. L’une est un petit salon-bureau, l’autre, la plus
grande, le cabinet de travail du maréchal.
Début novembre 1918, tandis que les Allemands subissent le
feu de la dernière bataille, le maréchal Foch se tient prêt pour les premières
négociations.
Le mardi 5 novembre
Le mardi 5 novembre est la première journée de prélude à
l’armistice. Les armées alliées ont avancé à pas de géant, sur toute l’étendue
du dernier saillant, depuis Condé-sur-l’Escaut jusqu’à Stenay, sur la Meuse.
Les Anglais se sont rendus maîtres de toute la forêt de Mormal et ont pris
Berlaimont.
Le centre radio-télégraphique des Alliés se trouve à la
Tour Eiffel et est sous les ordres du Colonel Ferrier. Ce mardi 5 novembre, à
six heures du matin, le soldat Maurice Hacot, soldat du 8e génie,
dort sur son lit de camp. Il était avant-guerre électricien à Hazebrouck, ce
qui lui vaut son affectation à l’équipe d’écoute. Ce n’est pas son tour de
garde, mais son camarade le réveille brusquement en hurlant à son oreille :
‘Les Allemands ! Les Allemands !’ C’est un message en morse non
chiffré qui vient d’être capté. Ce message signifie le premier rouage de la
grande machine de l’armistice.
« Allô
Eiffel ? Allô Eiffel … Vous entendez ? Ici G.Q.G. allemand de Spa.
Nous désirons entrer en relations avec vous en vue de pourparlers sur un
éventuel armistice. »
L’appel est transmis immédiatement au ministère de la
Guerre en France. Le gouvernement français alerte le président américain
Wilson. Celui-ci notifie au gouvernement allemand que « s’il sollicite un armistice, c’est le maréchal Foch qui aura à
lui en faire connaître les conditions ».
Le mercredi 6 novembre
Il est 0h30. Les délégués allemands quittent Berlin.
Au G.Q.G allié, tout est prêt. Le maréchal Foch a fait le
choix du secteur où devront se présenter les plénipotentiaires allemands. Il
donne une instruction précise au général commandant la première Armée, le
général Debeney.
« Commandant en chef
des armées alliées Etat-Major général
1ère section – 3e
bureau
G.Q.G.A, le 6 novembre 1918
« Le maréchal Foch,
commandant en chef des Armées alliés à M. le général Debeney, commandant la 1ère
Armée française.
« Dans le cas où des
parlementaires allemands seraient envoyés au Maréchal Foch, le Maréchal
invitera le commandant allemand à présenter ses
parlementaires sur l’axe Givet-Chimay, La Capelle, Guise, où ils
franchiraient les lignes.
« A ce moment, qui
lui sera indiqué, le général Debeney prendra ses dispositions en détachant, en
temps utile, un officier de son état-major pour que ces parlementaires soient
arrêtés et reçus convenablement dans une localité où l’on pourra au besoin les
faire séjourner.
« Le général Debeney
prendra personnellement et sans aucun retard connaissance de la qualité de
leurs personnes et de l’objet de leur demande. Il les fera connaître le plus
rapidement possible au Maréchal.
Signé :
Foch
La réponse des Allemands est arrivée par la voie des ondes,
captée par le poste militaire de la Tour Eiffel. Il suivra son chemin jusqu’au
G.Q.G. de Senlis.
« Le Haut
Commandement allemand, sur l’ordre du gouvernement allemand, au Maréchal Foch.
« Le gouvernement
allemand ayant été informé par les soins du président des Etats-Unis que le
maréchal Foch a reçu les pouvoirs de recevoir les représentants accrédités du
gouvernement allemand et de leur communiquer les conditions de l’armistice, les
plénipotentiaires suivants ont été nommés par lui :
Général d’Infanterie von Gündell
Secrétaire d’Etat Erzberger
Ambassadeur
Comte Oberndorff
Général von Winterfeldt
Capitaine de
Vaisseau Vanselow
« Les
plénipotentiaires demandent qu’on leur communique par T.S.F. l’endroit où ils
pourront se rencontrer avec le maréchal Foch. Ils se rendraient en auto avec
leur personnel subalterne au lieu ainsi fixé.
P.S. Le gouvernement
allemand se féliciterait, dans l’intérêt de l’humanité, si l’arrivée de la
délégation allemande sur le front des Alliés, pouvait amener une suspension
d’armes.
« Prière d’accuser
réception.
En tête de cette liste, le nom du général d’Infanterie von
Gündell, ce qui semble le désigner comme président de la délégation. Or, au
dernier moment, le nom du général sera retiré de la liste et remplacé par celui
du secrétaire d’Etat Erzberger, un civil, ce qui est contraire à tous les
usages.
Entretemps, en Allemagne, le chancelier Max de Bade vient
d’adressé une proclamation au peuple, à qui il a annoncé l’ouverture des
négociations : « Pour mettre
fin aux massacres, une délégation allemande a été chargée de conclure l’armistice
et d’entamer des négociations en faveur de la paix. »
Le commandant Riedinger va porter le message allemand au
général Weygand. Le chef d’état-major se dresse sur son lit, parcourt des yeux
les quelques lignes, puis il sort de sous son oreiller un texte tout préparé.
Le jeudi 7 novembre
Il est 2h30. Le texte est lancé en clair par la T.S.F. sur les ondes en
ce 7 novembre. A ce moment, les délégués allemands sont encore au G.Q.G. de
Spa.
« Le Maréchal Foch au
Haut Commandement allemand.
« Si les
plénipotentiaires allemands désirent rencontrer le maréchal Foch pour lui
demander un armistice, ils se présenteront aux avant-postes français sur la
route Chimay-Fourmies-La Capelle-Guise.
« Des ordres sont
donnés pour les recevoir et les conduire au lieu fixé pour la rencontre.
Afin de mieux comprendre le déroulement chronologique des
journées qui conduisent à l’armistice, voici la hiérarchie structurée des
Français appelés à accuiellir la délégation allemande :
A. Les
avant-postes (le carrefour d’Haudroy)
B. Le
commandant de bataillon le captiaine Lhuillier (la ferme Robart)
C. Le
commandant de l’Avant-garde dela 166ème D.I. Decornez
D. Le
représentant de l’état-major de la 1ère Armée le commandant du
Bourbon-Busset (la Villa Pasques à La Capelle)
E. Le
Q.G. du Général Debeney (le presbytère à Homblières)
F. La
forêt de Compiègne (le carrefour de Rethondes)
Il est 7h30. Le Capitaine Lhuillier, commandant 1er
Bataillon, n’a plus qu’une demi-heure devant lui. Il prend le temps d’expliquer
au lieutenant Arthaud :
« Je viens de recevoir un message de la plus haute importance.
Je vous demande de n’en faire part à personne, de peur qu’il ne soit pas
confirmé. Des plénipotentiaires allemands se présenteront à 8h00 devant les
lignes de notre bataillon. »
Il prend son carnet de commandement et griffonne à la hâte
sur le feuillet n° 49, le texte suivant, à l’intention de la section de tête de
la 3e compagnie :
« 7h30. Route
Nationale la Capelle. 1000 mètres ouest de la forêt de Nouvion.
« Capitaine Lhuillier,
commandant 1er Bataillon, à Commandant de la 3e
compagnie :
Dès 8 heures, vers La Capelle, une automobile boche
parlementaire se présentera sur la route.
Ne pas tirer.
Dès l’apparition du drapeau blanc : arrêter / ne plus
tirer.
Signé :
Lhuillier.
Ce document rend effective la neutralisation du secteur où
doivent se présenter les membres de la délégation allemande. La Capelle, c’est
une rue, ou plus exactement une large avenue bordée de maisons avec des perrons
tranquilles. Quelques vieilles maisons de pierre, mais souvent de la brique,
bien alignée.
Au G.Q.G. de Senlis, le maréchal Foch a été averti que les
plénipotentiaires allemands quitteraient Spa à midi et devraient arriver dans
les lignes françaises entre 16 et 17 heures.
Il est 12h30. A La Capelle intervient l’ordre de suspensions d’armes,
fixé de 13 heures à minuit. Entre-temps, le commandant de Bourbon-Busset, chef
du 2e bureau de la 1re Armée, est arrivé à La Capelle,
envoyé par le général Debeney pour accueillir les parlementaires allemands. Le
commandant de Bourbon-Busset se fait conduire à l’ancienne Kommandatur, où le
commandant Ducornez a établi son P.C. C’est une grande bâtisse de briques
rouges, aux angles de pierre blanche, de style 1900 : la villa Pasques, du
nom de son ancien propriétaire.
A Fourmies, dix kilomètres au nord-est, le capitaine de
cabalerie Schaube, officier d’état-major à la 11e Division, vient de
recevoir l’ordre de diriger la délégation allemande à travers les lignes
suivant l’itiniraire prescrit par le maréchal Foch. Il prend ses dispositions
sans perdre un instant et, la première, c’est d’aller rafler dans une maison
abandonnée une vieille nappe damssée, qu’il plie en quatre. Ce sera le drapeau
blanc de l’Armistice ! …
Le capitaine de cabalerie Schaube se dirige vers
l’état-major. Là, toutes les trompettes de la 11e divison y sont
déjà rassemblées. Ils attendent au garde-à-vous. Le général de division von
Schmidteck inspecte chaque homme. Et voilà qu’arrivent à Fourmies plusieurs
automobiles boueuses. C’est le détachement chargé de préparer la route à la
commission d’armistice.
Les voitures s’arrêtent devant le n° 22 de la rue des
Carniaux, chez Monsieur Keller. Les passagers descendent pour se restaurer. Le
capitaine Schaube prend avec lui le trompette Zobrowski et se dirige vers la
sortie de Fourmies, sous un ciel sombre et pluvieux. Là, il va attendre la
commission d’armistice qui vient de quitter Spa à 12h30 heure allemande (11h30 heure
française) : le secrétaire d’état Erzberger, l’ambassadeur Comte Oberndorff, le
général von Winterfeldt et le capitaine de vaisseau Vanselow. A cette
délégation allemande, se sont joints à Spa, un interptète, le capitaine de
cavalerie von Helldorff qui servira d’officier de liaison, un sténographe le
docteur Blauert, le capitaine d’état-major Geiger, deux ordonnances et un
domestique civil. Douze personnes au total.
Cinq voitures ont été mises à la disposition des
parlementaires allemands mais deux seront abandonnés à la suite d’avaries, car
les routes sont abominables. Le voyage sera cahoteux : des mines, des obstacles
sur les passerelles, des ponts détruits. Pour accroître encore les difficultés,
la pluie, qui n’a cessé pendant des heures. Les routes sont gorgées d’eau. A
cela s’ajoute le froid qui glace les délégués allemands.
A l’entrée de Fourmies, le capitaine Schaube et le
trompette attendent toujours. Ce dernier
a fixé au bout de sa lance d’ordonnance la nappe damassée. Pendant ce temps, au
G.Q.G. de Senlis, le maréchal Foch a été averti du départ de la délégation
allemande. Il est temps de mettre sous pression le train auquel a été attelée
la voiture-restaurant 2 419 D, et qui attend en gare de Senlis.
Il est 15h30. Une visite inattendue pour le lieutenant Edouard Hengy,
commandant de la 3e compagnie, qui se trouve à ce moment-là sur la
route, à hauteur de la ligne des tirailleurs. Ses hommes, placés en
surveillance sur la route, entendent s’avancer une partie de cavalerie lancée
au galop. Le temps est de plus en plus brumeux mais le lieutenant aperçoit à
vingt-cinq mètres des lignes, trois cavaliers d’ont l’un porte un mouchoir
blanc noué autour du bras. Les trois cavaliers mettent pied à terre. Le
cavalier portant le mouchoir blanc se met au garde-à-vous, salue et se
présente :
-
Lieutenant de
chasseurs à cheval von Jacobi.
-
Lieutenant
Hengy.
- Je suis
officier de liaison de la division allemande de Rocquigny. Je suis détaché pour
prévenir les troupes françaises que les automibiles des plénipotentiaires se
présenteront sur ce chemin. Le mauvais état des routes est la cause de leur
retard. Je n’ai pas l’intention de franchir les lignes. Défense formelle m’en a
été faite.
Le capitaine Hengy dépêche un cavalier pour rendre compte
au capitaine Lhuillier de cette visite inattendue. Il autorise l’un des deux accompagnateurs
de von Jacobi à retourner dans les
lignes allemandes pour y annoncer que le contact a eu lieu. von Jacobi et son
autre accompagnateur resteront sur place jusqu’à l’arrivée des parlementaires.
Entretemps, un agent de liaison remet à Hengy un pli de la part de Lhuillier.
Prenez vos dispositions
pour passer la nuit. Dispositif très échelonné. Evitez l’entassement. Tenir
soigneusement tous les chemins par des petits postes. Etre en liaison étroite à
droite et à gauche. Etre prêt à reprendre la progression ou à résister à une
offensive boche.
Interdire de façon absolue
toute conversation avec les Boches. Ordre formel : faire prisonnier
quiconque se présentera.
Signé :
Lhuillier
Le lieutenant Hengy montre le dernier alinéa à von Jacobi.
Celui-ci se conformera aux instructions.
Il est 16h00. Le capitaine Lhuillier arrive près du lieutenant Hengy et
le commandant Ducornez décide, maintenant que l’arrivée allemande paraît
imminente, d’avancer le P.C. le plus près possible des avant-postes qui
surveillent la route d’Haudroy. La ferme Robart est tout indiquée.
Le commandant
Ducornez et le commandant de Bourbon-Busset, accompagnés du lieutenant
Kerarmel, officier de renseignements, mettent au point les derniers détails de
l’accueil et font une dernière inspection. Le commandant de Bourbon-Busset
rentre à la villa Pasques, d’où il renvoie sa voiture au capitaine Lhuillier,
pour lui permettre de guider la délégation allemande vers La Capelle. Il a
laissé également un agent de liaison, le maréchal des logis Maistre, avec une
mission précise : revenir au galop l’avertir dès l’arrivée des
plénipotentiaires. Quant au capitaine, il s’est vu une charge tout aussi
impérieuse : trouver un clairon pour effectuer les sonneries réglementaires
du « Cessez-le-feu » ….
Entretemps, le train du G.Q.G. mobile quitte Senlis. Font
partis du voyage : le maréchal Foch, le général Weygand, l’amiral Wemyss,
le commandant Riedinger, le capitaine de Mierry, l’officier-interprète
Laperche, l’adjudant-téléphoniste Famechon, les secrétaires Henri Deledicq,
Stevenel et Grandchamps, quelques ordonnances et cuisiniers.
Il est 17h30 et la nuit tombe. Le capitaine Lhuillier a trouvé un
clairon dans la 3e compagnie. Il s’appelle Pierre Sellier. Il a 26
ans. Il est caporal et chef de clique du bataillon. Il se rend sans tarder au
carrefour de la route d’Haudroy.
Il est 18h00 et la nuit est pluvieuse et froide. Le sous-lieutenant
Thibault, qui continue son va-et-vient entre le P.C. allemand de Loarouilles et
les lignes françaises, aperçoit une puissante voiture allemande, portant un
drapeau blanc. C’est une automobile chargée de préparer la route, en retirant,
au besoin, les mines qui viennent d’y être posées.
Entretemps, dans la forêt de Compiègne qui frémit sous la
pluie de novembre, les cinq voitures du train du maréchal Foch arrivent sur
l’une des deux voies qui, partant de la petite gare de Rethondes, à la corne
nord de la forêt de Compiègne, aboutissent à un emplacement de calme, de
silence et d’isolement.
Il est 18h27 et le train du maréchal Foch s’immobilise dans un long
grincement. A Berlin il est 19h27 et un ultimatum est lancé par la
Social-Démocratie pour le lendemain midi le 8 novembre : l’abdication de
l’Empereur Guillaume II et la renonciation de Prince héritier au trône. Ceci
entraînerait, évidemment, la démission du Chancelier allemand le Prince Max de
Bade.
Les cinq voitures de marque Benz et Mercedes de la mission
allemande poursuivent leur route tant bien que mal. Leur progression devient de
plus en plus difficile à mesure qu’elles approchent du front. La première
voiture est celle du capitaine Schaube et du sous-officier Zobrowsky. La
deuxième voiture est occupée par le secrétaire d’Etat Erzberger, le comte
Oberndorff et le général von Winterfeldt. La troisième et la quatrième par les
autres membres de la commission d’armistice. Elles ont toutes leurs feux
allumés. La cinquième et dernière voiture, qui ne contient que les bagages,
roule tous feux éteints.
Il est 20h00 et si la pluie a cessé, le brouillard s’est levé comme un
mur. Le convoi allemand arrive aux avant-postes allemands à Rocquigny, à
quelque six kilomètres du carrefour d’Haudroy. Un dernier arrêt avant d’entamer
la route vers le premier rendez-vous avec les Français. Cet arrêt permet de prendre
en charge le lieutenant von Jacobi. Le sous-officier Zobrowski déploie la nappe
blanche et fixe sa lance à l’avant de la première voiture, celle du capitaine
Schaube. Zobrowski monte sur le marchepied gauche (car la conduite est à
droite !) sa trompette à la main.
Il est 20h20.
Voilà que
commence une page historique ! Le capitaine
Sandoz est le premier à découvrir les lumières des voitures allemandes. Il en
informe les Français en attente à la ferme Robart. Le trompette sonne l’appel
« aux officiers » de la cavalerie allemande. Le lieutenant Hengy
s’est muni d’une lampe de poche. Il l’allume et l’éteint alternativement pour
faire signe de stopper. Auprès de lui, le capitaine Lhuillier, dans la lumières
des phares, lève puis abaisse les bras.
De la première voiture saute le lieutenant von Jacobi qui
reconnaît le lieutenant Hengy et lui tend la main. Quand tout le monde est
descendu des voitures, les membres de la mission se rangent le long de la
route. Le capitaine Lhuillier se porte au-devant d’eux. Le général von
Winterfeldt, placé en tête, s’avance à sa rencontre et salue militairement. Le
capitaine Lhuillier lui rend son salut et invite la délégation allemande à
remonter sans tarder en voiture et de suivre la voiture française qui conduira
le convoi au commandant des avant-postes.
Le capitaine Lhuillier appelle le caporal Sellier et lui
donne l’ordre de sonner de pied ferme, et pour la première fois, le
« Cessez-le-feu ». Puis, sur le marchepied de la première voiture, il
sonne le garde-à-vous. La sonnerie du caporal Sellier a provoqué une réaction
en déclenchant les sonneries des unités voisines. Ainsi, sur l’ensemble du
secteur se répercute le « Cessez-le-feu ».
Le long du parcours, les soldats français, appuyés sur
leurs armes, silencieux, regardent passer le drapeau blanc, éclairé par les
phares des voitures qui suivent. Le général Debeney a demandé qu »il n’y
ait pas de manifestation hostile. Il n’y en aura pas.
Le convoi va s’arrêter pour accuellir le commandant
Ducornez qui vient d’arriver avec la voiture qui ouvrira le chemin jusqu’à la
villa Pasques à La Capelle. La villa Pasques porte encore sur la façade
l’inscription en grandes lettres « Kaiserliche Kreiskommandatur’. A
l’arrivée du convoi, le commandant de Bourbon-Busset invite les Allemands à
entrer. Dans le grand salon sous le portrait de Napoléon III, il leur apprend
qu’il a pour mission de les conduire auprès du maréchal Foch. Le général
esprime le désir de présenter les membres de la mission. Le commandant français
nomme alors les autres officiers:
-
le colonel
Garçon, commandant l’infanterie de la 33ème Division
-
les capitaines
Pihier et brunet, de l’état-major de la 1ère Armée
-
le commandant Halna du Fretay et les
capitaines de Boysson et Blachère, de l’état-major du 31e Corps,
envoyés en liaison par le général Toulorge, commandant le Corps
-
le capitaine
Taboureau, qui appartient à la section d’information de l’Armée
L’entrevue durera une heure, au cours de laquelle les détails du voyage vont être réglés.
Il est 22h00. Les Allemands prennent place dans les voitures françaises.
Les voitures allemandes resteront à La Capelle où elles attendront le retour des
parlementaires. L’une d’elle, celle du capitaine Schaube, va repartir pour les
lignes avec von Jacobi et Zobrowski, accompagnés du commandant Ducornez qui
doit les reconduire jusqu’aux avant-postes français. Cette voiture, portant
toujours la nappe damassée, s’arrête près de la ferme Robart afin de
permettre au commandant Ducornez de
descendre.
Il est 22h30. Ducornez est rentrè à son P.C. Il y trouve un message
radio prolongeant la suspension d’armes jusqu’à six heures du matin, afin de ne
pas gêner le retour de la voiture allemande dans ses propres lignes. Il
prévient immédiatement le capitaine Lhuillier qui transmet le message
suivant :
Feuillet n° 71, 23h15
Capitaine Lhuillier,
commandaant 1er bataillon 171e
à commandant des premières
lignes et 3e compagnie :
La suspension des feux qui
avait été prévue jusqu’à minuit est prolongée jusqu’à demain matin 6 heures. En
conséquence, ne pas tirer jusqu’à cette
heure, mais faire prisonnier tout ennemi qui se présenterait devant nos lignes.
Attendre de nouveaux ordres à partir de 6 heures.
Le vendredi 8 novembre
Il est 0h30. Les 45 kilomètres qui séparent La Capelle d’Homblières
ont été parcourus en un peu plus de deux heures. Les quatre voitures se rangent
sur la petite place entre l’église et la maison de curé d’Homblières. Celui-ci,
l’abbé Lefebvre, est mobilisé, quelque part dans l’Est. D’ailleurs, il n’y a
plus d’ouailles à garder ! Saint Quentin, presque entièrement détruite,
est vide de ses 50.000 habitants. Vides également, toutes les communes des
environs. A Homblières, distante de 4 kilomètres de Saint-Quentin, le
presbytère est la seule maison intacte. C’est ce privilège qui lui vaut
d’abriter le Quartier Général du commandant de la 1ère Armée.
Dans une grande salle a été dressé le couvert. Les
plénipotentiaires allemands prennent place à une large table ovale. En face,
dans la partie droite du bâtiment, lla cuisine accueillera la suite, les deux
ordonnances et le domestique.
Le dîner est prêt. Le menu a été fixé par le lieutenant
Louis Bogrand de Saint-brieuc : potage
crème d’orge – jambon frais aux petits pois – riz Bourdaloue – fromage –
dessert – café – vin rouge de l’Intendance.
Le repas dure une heure. Au dessert, le lieutenant Bogrand
vient annoncer aux Allemands que le général commandant de la 1ère
Armée va leur parler. Le général Debeney entre dans la grande salle et salue
militairement. Tous les Allemands se lèvent.
Debeney : Messieurs,
j’ai
reçu du maréchal Foch l’ordre de vous faire prendre
aux
lignes françaises et de vous conduire à son état-major.
Von Winterfeldt : Quand pourrons-nous être reçus par le
Maréchal ?
Debeney : Il vous le fera connaître quand
vous serez à son Q.G.
Von Winterfeldt : Et quand allons-nous partir ?
Debeney : A l’instant même. Vos voitures
sont prêtes.
Il est 1h30. Cinq voitures de l’état-major Foch sont arrivées dans la
matinée. Le temps de charger les bagages puis de prendre place dans les quatre
premières voitures, les plénipotentiaires allemands sont dirigés vers Tergnier,
où les attend le train qui va les conduire au carrefour de Rethondes.
Il est 3h00. Les cinq voitures arrivent à Chauny, mais Chauny n’existe
plus. Il n’y a plus une maison debout, plus un être vivant dans les ruines. A
la même heure, les ordres parviennent au P.C. du capitaine Lhuillier, à la
ferme Robart.
Opération
pour la journée du 8 :
La cessation
de feu, prescrite pour l’après-midi du 7 novembre, prend fin le 8 à 6 heures.
L’offensive reprendra, en conséquence, le 8 à 6 heures.
Signé :
Ducornez
Ainsi finit le repit qui avait, l’espace d’une journée,
gorgé d’espoir les fantassins du front de la Capelle. L’offensive signifie de
nouveau la souffrance et la mort.
Il est 4h00. Le convoi arrive à Tergnier, qui n’est plus qu’un amas de
ruines. La Ville a été bouleversée de fond en comble, et le peu qui restait
debout, les Allemands l’ont fait sauter en se retirant. Ils ont anéanti
jusqu’aux voies et aux quais du nœud ferroviaire de Tergnier. Le commandant de
bourbon-Busset fait arrêter sa voiture pour retrouver le chemin de la gare. Il
se sait s’empêcher de dire à Erzberger : « Il y avait ici une ville.
Elle a été détruite scientifiquement par vos troupes au moment du recul de 1917
et, comme vous le voyez, il ne reste pas trace de maisons. » Erzberger
descend lui aussi de la voiture et ne dit plus un mot … Le convoi trouve la
gare, éclairée par des torches dont la lumière dansante donne à ses ruines un
aspect fantastique. Sur le quai, une compagnie de chasseurs présente les armes.
Le train est composé de trois wagons : un wagon-restaurant, un wagon
sleeping et, par une nouvelle ironie du sort, le wagon-salon de Napoléon III,
tendu de satin vert, avec le « N » couronné. Le voyage commence vers
le carrefour de Rethondes où attend le maréchal Foch.
Il est 6h00. Les combats
reprennent. Sur la route d’Haudroy, le 1er bataillon du 171e
R.I. reprend aussi sa marche en avant. A
la sortie nors-est de La Capelle, la cote 232 est violemment bombardée
et partout s’ouvre le feu des mitraillettes allemandes. La guerre n’est pas
finie. Le cessez-de-feu n’est pas encore réalité.
Il est 7h00. Le train vient
d’arriver en gare de Rethondes. Le mécanicien Paul Justin reçoit l’ordre de le
refouler jusqu’au carrefour de Rethondes, en forêt. Les trois voitures sont
poussées par une machine de Compiègne.
La forêt de Compiègne et de Laigue, couvrent à elles deux
20 000 hectares. Peuplée surtout de hêtres, la forêt domaniale devient, près de
Rethondes, une forêt de chènes. Géographiquement, le carrefour de Rethondes –
qui dépend en réalité de la commune de Compiègne, et non celle dont il porte le
nom – se situe à 33 kilomètres deSoissons, à 7 kilomètres de Compiègne, à 3
kilomètres 800 de Rethondes.
Un petit déjeuner ‘à la française’ est servi aux Allemands
dans leur wagon-restaurant.
Il est 8h50. Ayant pris le petit déjeuner, la délégation allemande est
toujours dans l’ignorance de l’endroit où les attend le maréchal Foch. Von
Winterfeldt demande au commandant de Bourbon-Busset si l’on doit les conduire
en automobile. Le commandant répond que non en désignant du doigt le train qui
stationne sur la gauche. C’est ici que le maréchal Foch vous attend à 9 heures.
Les allemands marquent un moment de surprise. Il leur reste à finir leur petit
déjeuner et à mettre pardessus et manteaux.
Il est 9h00. Le convoi allemand descend de son wagon. Le ciel est sombre. Une pluie fine tombe sans
arrêt depuis le matin. Le sol de la forêt est spongieux et l’on a dû installer
un chemin de caillebotis pour relier les deux trains. Le chemin n’étant pas large,
la délégation allemande avance à la queue leu leu …
C’est le général Weygand qui, au pied de l’escalier du
wagon 2 419 D, accueille les Allemands et les fait monter dans le wagon-bureau.
Ils passent devant les cuisines transformées en bureau pour les secrétaires,
puis ils traversent le petit salon où se tiennent, sur la droite, près d’une
table chargée d’un téléphone, le commandant Riedinger et le capitaine de
Mierry. Ils accèdent ensuite à la grande salle-bureau modern-style de
l’époque : boiseries de marqueterie d’acajou verni, filets dorés,
appliques et patères de cuivre. Le plafond, en caisson, est orné de lampes-tulipes. Une grande table
toute simple, en bois foncé, occupe le centre de la pièce. Devant chaque place
(10) marquée au nom de son occupant, un papier buvard et un crayon. Près de
chacune des deux lampes : un encrier et un porte-plume. Tout autour :
dix chaises de salle à manger en cuir
repoussé.
Le wagon sent le cigare. Le maréchel y est venu il n’y a
pas longtemps … Au fond de ce grand bureau, trois auxiliaires munis d'un téléphone.
le capitaine Geiger le commandant Bagot
muni d’un téléphone le
capitaine Mariott
munis de 2 téléphones
Et voici les places des ‘acteurs’ de l’armistice : à
gauche la délégation allemande, à droite les Français. Le tout enrichi de deux
interprètes.
LAPERCHE
OBERNDORFF HOPE
ERZBERGER WEMYSS
VON WINTERFELDT FOCH
VANSELOW WEYGAND
VON
HELLDORFF
Partout, dans la forêt, entourant les deux trains, un
cordon de sentinelles a été tendu. Le maréchal Foch entre dans le wagon-bureau,
suivi de Wemyss. Tous deux s’arrêtent, puis saluent militairement. Le maréchal
porte aujourd’hui un képi et non un calot. Il a enfin fait coudre sur ses
manches sa septième étoile, qu’il avait négligé de porter pendant les jours qui
ont suivi, le 7 août 1918, sa promotion à la dignité de maréchal de France. La
scène qui suit appartient à la Grande Histoire !
Foch : A qui ai-je l’honneur de
m’adresser ?
Erzberger : Les plénipotentiaires envoyés par le
gouvernement allemand.
Foch : Quels sont les pouvoirs qui vous
accréditent près de moi ?
Erzberger sort de sa poche ses mandats et les remets au
maréchal qui, aussitôt, se retire avec Wemyss pour les examiner. Après cinq
minutes, les deux chefs alliés reviennent. Le maréchal rend les papiers.
Foch : Ils sont en ordre.
Une courte présentation est faite. Erzberger nomme les
membres de la commission qu’il préside et le maréchal, à son tour, présente les
membres de la délégation alliée.
L’entretien sur l’armistice peut commencer.
Foch : Quel est, Messieurs, l’objet de votre visite ?
Erzberger : Nous
venons recevoir les propositions des puissances alliées
pour
arriver à un armistice sur tous les
fronts.
Foch : Je n’ai pas de
propositions à vous faire.
Oberndorff : Monsieur le Maréchal, comment
voulez-vous que nous nous
exprimons ? Nous ne tenons
pas particulièrement aux
termes. Nous pouvons dire que nous
demandons les
conditions de l’Armistice.
Foch : Je n’ai pas
de conditions à soumettre.
Erzberger : Pourtant, la note du président
Wilson qui nous a été
adressée disait que le maréchal
Foch était autorisé à nous
faire connaître, au nom des
gouvernements alliés, les
conditions d’un armistice.
Foch : Oui, je suis autorisé à
vous faire connaître ces conditions
si vous demandez l’armistice.
Demandez-vous l’armistice ?
Les Allemands : Oui.
Foch : Dans ce cas, le général
Weygand va vous lire les clauses
principales.
Tandis que le général Weygand commence sa lecture, un texte
complet de la convention est remis à chaque plénipotentiaire. Si Oberndorff et
von Winterfeldt connaissent admirablement le français, en revanche, Erzberger
le comprend mal et Vanselow pas du tout. Le texte est donc immédiatement
traduit en allemand par le sous-lieutenant Laperche.
Il est 11h00. La lecture de la convention s’achève. La dernière
clausule limite à 72 heures la décision allemande : le 11 novembre à 11
heures.
von Winterfeldt : Le gouevrnement allemand a la volonté
d’examiner les
conditions imposes avec le désir
d’aboutir en demandant
que les hostilités soient
immédiatement suspendues.
Foch : représentant des
gouvernements alliés, je vous ai fait
connaître les conditions qu’ils
ont arrêtées. Je suis disposé à
arriver à une conclusion et vous
aiderai, dans la mesure du
possible, pour cela. Mais kles
hostilités ne peuvent cesser
avant la signature de l’armistice.
von Winterfeldt : Ces conditions nécessitent un examen attentif
de la part
du gouvernement et du Haut
Commandement, ce qui va
demander un certain temps avant
qu’une réponse puisse
être donnée.
Foch : Non, pas de prolongation
de délai !
C’est tout ! C’est le capitaine von Helldorf qui devra
partir immédiatement à Spa pour présenter aux Allemands la convention
d’armistice. On lui sert un repas chaud. Il emporte un repas froid.
Il est 13h00. Le commandant Bourbon-Busset accompagne von Helldorf pour
ce qui annonce comme un voyage remplis de difficultés. Le secteur est
neutralisé pour permettre au capitaine le passage vers les lignes allemandes.
Il est 19h30. Von Helldorff arrive devant les lignes françaises. Le
commandant de Bourbon-Busset qui l’accompagne se présente au P.C. du commandant
Ducornez qui autorise deux voirutes allemandes restées à La Capelle à convoyer
la voiture française. Toutes trois, phares allumés, arborent un drapeau blanc.
Le clairon Roux, debout sur un marchepied, fait les sonneries réglementaires.
Le lieutenant de Kerarmel accompagne cette mission franco-allemande.
Von Helldorff est porteur des documents les plus importants
depuis la déclaration de la guerre. Plusieurs incidents vont menacer la
conclusion de l’armistice.
Premier échec pour von Helldorff de franchir les lignes
françaises et de passer vers les lignes allemandes. Au passage de la cote 232,
à la hauteur de la ferme Robart, le capitaine Lhuillier signale que, malgré la
suspension d’armes, une mitrailleuse allemande tire toujours vers Haudroy. Deux
balles traversent même le drapeau blanc ! Bien plus, il s’agit d’un tir de
barrage : trois obus, des explosions, des rafales, … Il ne reste plus de
doute : impossible de franchir ce mur de feu.
Il est 22h30. Ducornez à La Capelle se met en liaison avec le G.Q.G. du
carrefour de Rethondes et expose ce qui vient de se passer. A minuit, le
téléphone sonne. Il faut faire une nouvelle tentative.
Le samedi 9 novembre
Il est 0h30.
Trois officiers, accompagnés de von Hellforff,
parviennent à Rocquiny. La mission est de nouveau bloquée. Tous les ponts ont
sauté. Il faut faire demi-tour. De Bourbon-Busset rappelle Rethondes, qui
répond vers 1h30, qu’il faut passer coûte que coûte. Il faudra faire une
troisième tentative par le gravier de Wignehies.
Une troisième tentative tournera au drame. La suspension
d’armes prévue pour une durée de douze heures a pris effet la veille à 16h00.
Elle doit donc se terminer à 4h00. Autrement dit, il est déjà trop tard. Le carrefour
de Rethondes, prend l’appel téléphonique et invite à une nouvelle tentative et
expose ce qui vient de se passer. A minuit, le téléphone sonne. Il faut faire
une nouvelle tentative.
Mais n’oublions
pas la première préoccupation : le texte de la convention établi doit
parvenir à franchir les lignes allemandes et sera examiné et étudié par les
Allemands, qui ont à donner leur réponse avant le lundi 11 novembre 1918 à 11h.
A cet effet, le maréchal décide de préparer un avion qui, au besoin, pourrait
prendre von Helldorff. L’appareil est prêt.
L’automobile de
von Helldorff finit par passer sans encombre et en plein jour, à travers les
prés, par Glageon et Trélon. Von Helldorff a réussi à franchir sans encombre
ses propres lignes. Il a été reçu avec les honneurs militaires par une
compagnie au sud de Wallers Trélon, à deux kilomètres de la frontière belge.
L’avion ne sera pas utilisé cette fois-ci. La convention d’armistice s’achemine
vers Spa.
Le maréchal
fait une fugue de quelques heures à Senlis pour y rencontrer Clemenceau et lui
exposer la situation.
Il est 18h00. Le chancelier
allemand le Prince Max de Bade a présenté sa démission. Friedrich Ebert est son
successeur. A Spa se termine le conseil de guerre extraordinaire qui va,
finalement, sceller le destin de l’empereur et de la dynastie es Hohenzollern.
Le général Groener a convoqué 39 généraux et officiers supérieurs du front afin
qu’ils exposent au Kaiser, dont l’abdication est réclamée par Berlin, la
tragique réalité de la situation. A la question : « l’empereur
a-t-il quelque chance de reconquérir son autorité en se mettant à la tête des
armées ? » il y a 23 réponses négatives, 15 douteuses, une seule
affirmative. L’armée n’est donc plus derrière l’empereur Guillaume II. Celui-ci
fait envoyer à Berlin un message pour que « le nouveau gouvernement
allemand autorise la commission d’armistice qui se trouve dans les lignes
ennmies à conclure l’armistice ». Ce sera le dernier acte impérial. Il
quittera Spa pour un exil aux Pays-Bas à 5 heures du matin le dimanche 10
novembre. 24 heures avant la signature de l’armistice.
Le dimanche 10 novembre
Il est 3h00. Le président
du Conseil des ministres Clemenceau, rue Franklin à Paris, reçoit un télégramme
secret qui fait connaître l’abdication
de l’empereur d’Allemagne et la formation à Berlin d’un ouvernement populaire.
Le télégramme indique aussi que la garnison de la capitale s’est mise à la
disposition de ce nouveau gouvernement. La nouvelle de l’abdication de
l’empereur Guillaume II et de la démission du chancelier Max de Bade sont
transmises au maréchal Foch.
A Rethondes,
dans l’après-midi, on a enfin la cnfirmation que von Helldorff est bien arrivé
à Spa.
Il est 18h30. Le C.Q.G. de
Spa reçoit du gouvernement allemand l’autorisation de traiter en ces
termes : « Le gouvernement
allemand accepte les conditions d’armistice qui lui ont été imposées le 8
novembre 1918 ». Cette autorisation est signée par Solf, le ministre
des Affaires étrangères du nouveau gouvernement. L’acceptation allemande, pour
assurer l’authenticité de la réponse, a bel et bien donné le code secret :
3084.
Il est 22h00. Le maréchal
Foch interpelle les secrétaires du wagon. Ils n’ont guère dormi depuis le 8
novembre : dactylographier plusieurs fois les contrepropositions
allemandes, les réponses de Foch et les textes modifiés …. Le maréchal leur
adresse cette parole : « Je sais qu’après ces trois jours et trois
nuits de travail vous êtes bien fatigués. Il vous faut pourtant tenir le coup
car c’est la dernière nuit et je ne veux pas que le sang d’un soldat soit versé
inutilement après l’heure ». Le dénouement approche. L’armistice s’annonce
…
Le lundi 11 novembre
Il est 2h15. Le wagon 2 419 D écrira de la
Grande Histoire. Le général Weygand lit le texte définitif de l’armistice.
Il est 5h10. Le
général Weygand entre en trombe par la porte coulissante et s’adresse au
secrétaire Deledicq : « Tenez mon vieux. C’est fini. Tapez-moi tout
de suite le dernier feuillet et laissez la moitié en blanc pour les signatures.
Le secrétaire est tellement bouleversé d’émotion (il n’a
que 20 ans) qu’il place le carbone à l’envers. Si bien que, aujourd’hui encore
on peut voir au Musée de l’Armée le texte authentique écrit recto-verso. Il
fallait six exemplaires. Deledicq les fera par après.
Il est 5h15.
C’est ici que se situe le moment historique. L’armistice est (enfin) signé.
Il est 5h20. Le
général Weygand entre à nouveau dans la cuisine-bureau. Il montre aux
secrétaires la feuille avec les signatures. Ils sont les premiers à contempler
un document historique et exceptionnel. Avant de disparaître, le général
Weygand offre aux secrétaires, avec un large sourire, une bouteille de porto,
qui, faute de verres, est bue à la régalade…
Il est 5h30.
Les délégations prennent congé l’une de l’autre en se levant simplement de
leurs sièges. On ne se serre pas la main. Les délégués allemands quittent
Rethondes sans tarder.
Le maréchal Foch adresse aux commandants en chef des
armées alliées l’ordre officiel de « cessez-le-feu ». Il le fait sous
la forme d’un message téléphoné.
Les hostilités seront arrêtées sur
tout le front à partir de 11h00 (heure française)
Les troupes alliées ne dépasseront
pas, jusqu’à nouvel ordre, la ligne atteinte à cette date et à cette heure.
Rendre compte exactement de cette ligne.
Toute communication avec l’ennemi
est interdite jusqu’à réception des instructions envoyées aux commandants
d’armées.
Il y aura une première entorse aux conventions qui
viennent d’être soumises à la signature. Le feu doit cesser en principe à
11h15, 6 heures après la signature de l’armistice, les documents étant signés à
5h15.
Il est 7h00.
Juste avant de se rendre à Paris auprès de Clémenceau, le maréchal Foch donne
l’autorisation au commandant Bontemps du Quartier général de senlis, arrive à
Rhetondes pendant la nuit, à prendre la seule photo authentique de l’armistice.
Le maréchal tient à la main la serviette noire dans laquelle se trouve le texte
original de la convention. Le maréchal se rendra à son domicile parisien, 52
avenue de Saxe, pour embrasser les siens.
Il est 9h00.
Les secrétaires quittent le train pour être à 10h30 en gare de Compiègne.
En Allemagne, un ordre du jour laconique annoncera la fin
de la guerre en ces termes : Par
ordre du Commandement suprême de l’Armée, les hostilités sont suspendues le 11
novembre 1918 à 11h55 (heure allemande).
Il est 10h00. Le
maréchal quitte son domicile pour se rendre à la présidence du Conseil. Il
arrive rue Saint Dominique à 10h30 et remet solennellement à Clemenceau le
texte scellant la victoire. L’entretien s’achève à 11h00.
Il est 11h00.
Le gouvernement a décidé de faire tirer 1200 coups de canon pour annoncerla fin
des hostilités. Le premier coup de canon donne le signal et les cloches de
toutes les églises de la capitale se mettent en branle. Le tout Paris a pris sa
parure de fête. Tout Paris est là, sur 5 km2. Cette journée délirante se
poursuivra jusqu’au lendemain.
Sur le plateau du Casino de Paris, Maurice Chevalier
répète ‘La Madelon de la Victoire’ qu’il chantera le soir même.
A 11 heures à Vienne, le président du conseil autrichien
Lammasch et son ministre de l’intérieur de Gayer se présentent au palais de
Schönbrunn pour annoncer l’abdication de l’emperueur Charles 1er.
Il est 11h15.
Le premier journal en France à publier la nouvelle est l’Echo du Nord. Il tire
à la hâte une édition spéciale qui titre sur trois colonnes : L’Allemagne vaincue. L’Armistice est
signé.
Il est 16h00.
Il a été convenu entre les gouvernements français, britannique et italien, que
la communication des conditions de l’Armistice se ferait simultanément à 16
heures à Paris, à Londres et à Rome.
C’est à cette heure-ci que Clémenceau, à l’issue d’un
conseil des ministres à l’Elysée, se rend au Palais de la Nation pour présenter
devant les députés debout le texte officiel de l’armistice.
Ce 11 novembre 1918, à l’hôpital de réserve de Pasewalk,
un caporal bavarois d’origine
autrichienne ,pleure sur la défaite du Reich. Il a été gazé cinq semaines
auparavant dans le secteur d’Ieper en Flandre occidentale. Il a perdu la vue
pendant quelques jours. Ce caporal du 16ème de ligne de
Landshut-Passau s’appelle … Adolf Hitler.
Luc Depuydt, le 11 novembre 2018
P.S.
Il est 16h00.
Voilà cinq heures que l’armistice est une réalité. Au Mont-saint-Aubert près de
Tournai (en Belgique, province de Hainaut) il y a des soldats portugais
rattachés à la 11ème division britannique. Ils écoutent évidemment
les messages radios. Ne comprenant pas l’Anglais, ils n’ont pas saisi le sens
des messages du 11 novembre 1918 au matin. L’état-major finit par se rendre
compte que les ordres n’ont pas été compris par les Portugais. Ils ne sont donc
pas au courant de la fin des hostilités. Un messager à motocyclette s’arrête
devant le commandant portugais et lui remet un pli. Le commandant portugais
appelle l’interprète, qui traduit :
LA GUERRE EST FINIE
…
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